dimanche 14 mars 2010

A single man (Tom Ford, 2009): Ultra-intemporelle solitude

Los Angeles, 1962. George Falconer semble en avoir assez de tenter de reprendre le dessus après la mort de son compagnon, Jim, dans un accident de voiture. Très tranquillement, il se prépare à se suicider, après avoir assuré sa dernière journée de cours à l'université où il enseigne, et après un ultime dîner avec sa meilleure amie, Charley.



Ça, pour être léché, c'est léché: lumières parfaites, cadrages parfaits, travail extrême sur l'image, décors parfaits, costumes plus-que-parfaits, tout proclame "Attention, c'est un control freak qui est derrière la caméra". Je me doute que beaucoup de critiques auraient (méchamment) souhaité que ce premier film du styliste Tom Ford ne soit que cela, une très élégante coquille vide. Et de fait, si l'on s'en tient à la - brillante, luxueuse, policée - surface des choses, ou si plus simplement l'on n'est pas réceptif à la tendre mélancolie qui sourd du film, ce n'est presque que cela.

Presque, mais un gros "presque", tout de même.

D'abord parce que Ford a eu l'intelligence (j'ai envie d'écrire "le bon goût", mais parlant d'un prescripteur de tendances comme lui je glisserais dans le pléonasme) de confier le rôle de Falconer à Colin Firth. Je l'ai entendu expliquer sur un plateau télévisé qu'il suivait depuis longtemps la carrière de Firth, et qu'il avait aimé nombre de ses films car, disait-il, il donnait toujours l'impression de posséder de multiples et profondes dimensions, et de receler davantage de mystères que les personnages qu'il incarnait. Je ne saurais mieux dire, étant toujours sous l'emprise du très iconoclaste Valmont qu'il incarna jadis pour Milos Forman. La fragilité intrinsèque et fatale de ce personnage n'a jamais été mieux mise en valeur que par lui (quand bien même la perversité gourmande de John Malkovich dans le film "concurrent" de Stephen Frears offrait d'autres intérêts).

Clairement, A single man offre à Colin Firth l'occasion d'élaborer davantage sur l'homme blessé, qui se traîne sans force dans un monde vidé de ses couleurs et de sa sève par la mort de l'être aimé. Il rend parfaitement la pesanteur de ce corps privé d'élans qui se meut dans un univers de couleurs sourdes et de bruits étouffés. Jusqu'à ce qu'il rencontre inopinément un peu de beauté, jusqu'à ce qu'il entre en contact par mégarde avec un autre être humain, et que de nouveau sa vision se colore et que son pouls s'accélère (jolie et toute simple idée de mise en scène de changer totalement la colorimétrie et le grain du film lors de ces instants-là). Ces contacts accidentels apparaissent à la fois comme une survivance lointaine de son radieux passé amoureux (présent sous la forme de nombreux flash-back), des contretemps dans son chemin vers le suicide, et finalement (synthèse des deux aspects précédents) comme une raison de continuer à vivre malgré la douleur.

Le film dans son ensemble ne révolutionne rien, ni la mise en images ni la narration, mais il dit joliment de jolies choses sur la nécessité d'aimer pour vivre, et les dit sincèrement (je le crois).

Aucun commentaire: