dimanche 29 août 2010

La garçonnière (Billy Wilder, 1960)



- Ya know, I used to live like Robinson Crusoe; I mean, shipwrecked among 8 million people. And then one day I saw a footprint in the sand, and there you were. 
("Vous savez, j'ai vécu jusqu'ici comme Robinson Crusoë; naufragé au milieu de 8 millions de personnes, je veux dire. Et puis un jour j'ai vu une trace de pas dans le sable, et vous voilà.")

Toute l'histoire du film tient dans cette mini-déclaration que C.C. Baxter (Jack Lemmon) fait à Fran Kubelik (Shirley MacLaine). Il est un employé de bureau parmi.... beaucoup, beaucoup d'autres, abattant un travail assommant jour après jour dans une compagnie d'assurances dont les cadres n'en manquent pas (d'assurance, héhé.... hum.). Il n'aurait aucun attrait pour ces derniers s'il ne possédait pas un amour de petit appartement, fichtrement commode pour y mener la grue d'un soir ou la petite aventure qu'on cache à sa légitime depuis des années. Ce qui le soumet de facto à un odieux chantage à la promotion de la part de ses supérieurs, et l'oblige à une rigueur diabolique dans la gestion de son emploi du temps: où trouver le temps de ravitailler le bar, dévasté par ses "convives", ou même de tomber malade, lorsqu'on ne fait jamais que passer chez soi? 

Cette infortune devient à la fois sa chance et sa malédiction lorsque le directeur des ressources humaines (Fred MacMurray, qui joue avec un aplomb formidable la lâcheté inconsciente d'elle-même) y ramène (et y abandonne) Fran, la mignonne mais fière petite liftière qui le fait craquer en secret. Le concours de circonstances qui les oblige à cohabiter chez lui les fait souffrir tout d'abord: lui parce qu'il découvre qu'elle, qu'il croyait droite, est la maîtresse d'un de ces cadres dont il méprise l'amoralité, elle parce que l'homme dont elle est éprise vient de la traiter comme une distraction jetable. Et puis insensiblement, de partie de gin-rami en préparation de spaghetti à l'aide d'une raquette de tennis, quelque chose se passe entre les deux naufragés dans la grande ville, elle cesse de prétendre qu'elle a fini de croire à l'amour et lui cesse de raconter que l'ascension sociale valait bien qu'il brade sa vie privée. L'un face à l'autre ils peuvent se permettre d'être vrais, et tout d'un coup leurs jeux de rôles respectifs ne peuvent plus tenir....

Il n'y a rien de follement original à aimer La garçonnière, tout y concourt: les brillants dialogues de Wilder et Diamond, le couple adorable formé par le frénétique Lemmon et la malicieuse MacLaine, les résonances très actuelles du regard porté sur la servitude au travail. Et puis cette petite lueur d'espoir qui vient nous montrer qu'au milieu de tous ces personnages monumentalement  cyniques, il y a de la place pour la tendresse.  

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