samedi 9 juillet 2011

Eowyn et moi

Ma relation avec Le Seigneur des Anneaux remonte à l'aube de mon adolescence (oui, c'est loin - gnagnagna - et ça n'est pas plus mal d'ailleurs). Depuis que je savais lire j'avais toujours eu le nez dans des bouquins, ce qui ne contribuait pas franchement à l'intégration du vilain petit canard que j'étais (mastoc, sourire pur acier inoxydable, je ne vous fait pas de dessin de peur de vous faire peur). J'étais étiquetée "intello" du seul fait que j'avais de bonnes notes dans un collège où le seul espoir de réussite, pour la plupart, résidait dans les filières sport-études. Autant le dire, la meilleure partie de ma vie se déroulait dans ma tête.


J'avais 13 ans lorsque ma prof de français de l'époque, qui trouvait que je faisais preuve de beaucoup d'imagination dans mes rédactions, me conseilla de lire Le Seigneur des Anneaux. Piquée au vif (une prof qui toute l'année m'avait obligée à lire des trucs atrocement chiants me parlait d'un bouquin hyper-célèbre dont je n'avais jamais entendu parler, je ne sais pas si vous voyez le calibre de la vexation), j'achetai d'un coup les trois volumes et, les vacances d'été venues, je lus d'une traite, quasiment en apnée. Une fois fini, je re-lus derechef. 


Je n'avais jamais rien lu de pareil, et je n'ai jamais retrouvé cette sensation depuis. Le sentiment de "voir" se dérouler, devant cet œil intérieur qui naît de la lecture, tout un monde riche d'histoire, de cultures, de personnages, pas seulement selon la dimension circonscrite par la narration mais au-travers d'âges mythologiques qui affleurent partout - et s'épanouissent dans des annexes roboratives qui firent mon bonheur, je devais déjà être un peu chercheuse. Le style me paraissait bien un peu raide et emphatique par moments (je me suis toujours promis de le lire en anglais un jour pour vérifier ce point) mais au fond ça n'avait guère d'importance. Ce qui comptait, c'était la droiture, le sens de l'honneur, c'était que toute le roman parlait de courage face à une adversité écrasante - toutes choses qui touchent forcément l'ado idéaliste et sensible qui se sent mal barré(e) dans l'existence.

Le temps a passé. J'ai jeté à la poubelle depuis longtemps les cahiers où je m'essayais à la calligraphie elfique, j'ai cessé de courir après tous les bouts de manuscrits publiés par le fils de Tolkien. Et puis les films sont sortis sur les écrans, je me suis précipitée sans bouder mon plaisir, il est vrai que Peter Jackson n'avait pas mégoté sur les moyens ni (plus important) sur l'enthousiasme enfantin de s'emparer de ce projet titanesque et mythique pour tant de fans du livre. On pourra toujours chipoter: Arwen est trop juvénile pour une elfe, son histoire avec Aragorn est gonflée de manière disproportionnée par rapport au roman, la répartition des évènements entre Les deux tours et Le retour du roi a été fortement modifiée, Tom Bombadil n'est évoqué nulle part, entre autres points qui ont fait tiquer les puristes. Certes, mais ça fonctionne et ça a une gueule folle: le Balrog est encore plus beau que ce que je m'étais représenté lors de mes lectures, Viggo Mortensen en Grand-Pas/Aragorn possède juste le bon mélange entre pas lavé-mal rasé et charisme mystérieux, les sorciers sont dantesques, Cate Blanchett semble née pour être Galadriel...



... et puis il y a Eowyn, incarnée par Miranda Otto. J'ai une relation un peu personnelle avec Eowyn dans la mesure où, de tous les personnages du livre à l'exception de Frodon, c'est celui qui part avec les chances de succès les plus compromises, et ce d'autant plus qu'elle est une femme dans un univers d'hommes et de guerres. Le rapprochement est d'ailleurs fait entre sa vulnérabilité, son inaptitude supposée à la guerre, et la vulnérabilité et l'inaptitude des hobbits. Pour cette raison sans doute (fragilité mais fierté, besoin désespéré de faire ses preuves et de faire face au danger) je trouve que c'est l'un des personnages les plus forts du livre. Et du film: Miranda Otto parvient à merveille à rendre la soif d'héroïsme du personnage, son jusqu'au-boutisme qui trahit sa jeunesse, le besoin qu'elle a d'aimer celui qu'elle admire. Ai-je besoin de dire que je m'identifiais beaucoup à elle?...



Il y a peu est sorti le coffret regroupant les versions longues sur Blu-Ray. Là encore, certains trouvent encore le moyen de râler (la répartition du film sur deux disques, la colorimétrie, que sais-je...). Pour ma part je trouve que ces films semblent avoir été conçus tout exprès pour le support Blu-Ray, et que ce dernier, seul, rend enfin justice au perfectionnisme échevelé de la bande de dingues passionnés qui a épaulé Jackson dans son entreprise (regardez les suppléments si vous n'avez pas encore mesuré l'ampleur du défi qu'ils ont relevé). Pas une cicatrice sur le dos de Gollum, pas une miette de lembas ne peut désormais vous échapper. Et vous vous régalerez à pétocher d'importance lors de la bataille du Gouffre de Helm, dans les teintes sombres mais hautement définies de la pluie, de la boue et des Uruk-haï. Un Blu-Ray pour les gouverner tous...



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